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COVID-19 : La Supply Chain en 1ère ligne

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Auteur

Patrick Sage

Directeur Associé / France

Toulouse

Point de vue
Par Patrick Sage, Directeur Associé chez CYLAD

La crise du COVID-19 a mis la Supply Chain sur le devant de la scène. Une caricature récente attribuait à la Supply Chain la même importance que le café dans la gestion de la crise :

  • Dans l’organisation de la Continuité des Opérations, lorsque la crise survient,
  • Dans la perspective d’un redémarrage,
  • Dans la réflexion à moyen-terme sur ce que sera le ‘nouveau normal’, ce dernier promettant d’être Volatil, Incertain, Complexe et Ambigu (‘VUCA’).

1) Organisation de la Continuité des Opérations

Les équipes Supply Chain ont été d’une manière générale très sollicitées dans la gestion de la crise Covid-19, et le seront lors de nouveaux épisodes éventuels, que ce soit:

  • Pour l’organisation des approvisionnements en EPI / PPE (Equipements de Protection Individuelle)
  • Pour la mise en place des modes dégradés du travail des équipes Supply Chain (Travail à distance, travail en équipes alternées, accès déportés aux outils)
  • Pour la gestion de l’arrêt ou de la continuité des opérations, sur la base d’une vue de bout-en-bout, y compris livraisons client, livraisons fournisseurs, gestion des stocks, disponibilité des ressources
  • Pour la réorientation éventuelle de la production vers des opérations nouvelles (production de gel hydro-alcoolique, production d’EPI, y compris en fabrication additive, ou fabrication de respirateurs)

‘Le’ confinement, faisant potentiellement office de ‘premier épisode’ de confinement, l’expérience acquise ne pourra qu’être bénéfique en cas de nouvelle crise ! En particulier des procédures documentées et diffusées permettront la prochaine fois de gérer au mieux la phase dite de ‘sidération’.
Les premiers retours d’expérience montrent qu’une suspension ordonnée et coordonnée des opérations est critique dans la perspective d’un re-démarrage ordonné et coordonné…

 

2. Dans la perspective du redémarrage des opérations

Cette phase nous parait être aujourd’hui la plus critique. Elle s’inscrit dans un contexte particulièrement incertain et mouvant, dans la continuité d’un arrêt plus que brutal des opérations. Comme toujours dans ce type de situation, un retour à certains fondamentaux, quitte à les adapter, est en général salvateur. Nous en voyons 3 :

2.1 – Transparence et collaboration ‘haute fréquence’

Sans pièces, composants ou ressources qualifiées, les activités industrielles ou de service auront du mal à redémarrer efficacement. La préparation d’un redémarrage des opérations passe forcément par une planification conjointe et transparente aussi bien vis-à-vis des clients que des fournisseurs, et ceci à une fréquence adaptée, sur la base des paramètres suivants :

  • Besoin / demande du client : date de redémarrage, contraintes logistiques spécifiques, risque d’évolutions
  • Capacité des fournisseurs : risque de défaut ou de ‘non-redémarrage’, date de redémarrage, niveau d’activité en production / qualité / support, contraintes logistiques spécifiques, risque d’évolutions, voire couverture de stocks et statut des encours de production

Une fréquence élevée d’échanges est forcément bénéfique, ce qui ouvre la porte à de nouveaux modes d’échange d’information (par ex. supplier watchtower, plateforme AirSupply dans l’aéronautique), y compris à un niveau de granularité fin.
Dans un certain nombre de cas – certains secteurs B2C y sont habitués, les secteurs B2B beaucoup moins – il sera nécessaire d’établir ses propres prévisions dans un monde imprévisible. Ou plutôt établir un jeu d’hypothèses et reboucler fréquemment les écarts à cette référence.

2.2 – L’art de la planification industrielle – retour aux fondamentaux

La cascade de planification repose traditionnellement sur 3 horizons tuilés :

  • A très court-terme, l’ordonnancement permettant un pilotage fin de la production, sur une base précise de la situation
  • Le Plan de production permet quant à lui de faire des calculs d’adéquation charge-capacité sur les ressources
  • Un Plan Industriel & Commercial (S&OP) permet un planification plus long-terme, sous la forme de scénarios et d’hypothèses

 

De manière à nourrir les routines ou rituels de pilotage avec des informations permettant de prendre les bonnes décisions, un système de planification bien conçu repose sur:

  • Un étagement cohérent et réfléchi des horizons, granularité, et fréquence de calcul
  • Des informations issues de données fiables, récentes et exploitées

En temps ‘normal’, le système de planification tolère souvent (trop) les approximations, les données imparfaites. Les volumes et les habitudes rattrapent beaucoup d’erreur.
Lorsqu’une crise survient, l’application rigoureuse de cette cascade de planification et de rituels est une vraie planche de salut, avec quelques conditions néanmoins :

  • Un jeu d’hypothèses de demande, même imparfait permet de recaler les systèmes de calcul et de pilotage sur une nouvelle base. Dans les secteurs structurés en grands donneurs d’ordre & fournisseurs de rang 1 / 2, les chefs de file industriels ont un rôle clé à jouer, en particulier lorsque les échanges se font en grande partie de manière électronique (‘machine to machine’)
  • Le système, car plus fragile, est moins tolérant aux données erronées (stocks, famille ou niveaux de réappro, temps standards, Nomenclatures). Ainsi, les heures creuses pourront être efficacement utilisées:
    • D’une part à fiabiliser les données de références (Master Data)
    • D’autre part à mettre en place des outils avancée d’analyse des données permettant par exemple d’anticiper les problèmes (early warning) ou de naviguer dans les nomenclatures pour évaluer l’impact d’un fournisseur
  • Par ailleurs, le contexte de la demande et de l’outil industriel peut nécessiter de bouger certains curseurs pour rester pertinents, par exemple :
    • Horizon plus courts (en particulier les horizons gelés)
    • Niveaux de réappro, tailles de lots, MOQ, cycles de production ou d’appros plus faibles
    • Routines d’arbitrage et de décision plus fréquentes et rapides, dans une approche réellement transverse mais centralisée
    • Optimisation locale vs. globale à l’échelle de la supply-chain, incl. garantir un volume auprès d’un fournisseur à court de trésorerie

Aborder un redémarrage sans une bonne maîtrise et compréhension du système de planification promet malheureusement d’être douloureux, en énergie dépensée, en performance opérationnelle (e.g., OTD) ou financière (e.g., stock mort).

2.3 – Pilotage des risques liés à la Supply Chain

Les outils de gestion de crise (‘Distaster Recovery’) existent, ils sont pourtant en général peu utilisés (au moins en Europe).
Procéder à une analyse exhaustive des risques liés au redémarrage des activités (de type AMDEC / FMEA) est en général un exercice utile :

  • Pour partager la perception de la situation et limiter les angles morts
  • Pour anticiper et gérer les points de blocage potentiels
  • Pour préparer la crise d’après…

 

3. Préparer le retour au ‘nouveau normal’

Le retour ‘à la normale’ est une hypothèse, sans doute pas la plus probable. La crise actuelle promet de déplacer profondément certains équilibres.
Nous ne sommes pas des devins et avons l’humilité de laisser nos confrères prédire l’avenir. Néanmoins, nous nous posons comme tout le monde un certain nombre de questions :

  • La frugalité en cash des opérations industrielles peut-elle devenir critique et dimensionnante pour la Supply Chain ? Et n’est-ce pas une bonne raison de renforcer le processus PIC / S&OP ?
  • Dans un monde incertain, complexe et volatile, ne faut-il pas revenir à la bonne vieille pratique des scénarios, y compris des scénarios de repli, et surtout en explorant chaque option, par exemple au travers de simulations multi-variables.
  • La crise n’est-elle pas l’opportunité de remettre sur la table les termes de la collaboration et de la transparence entre fournisseurs et donneurs d’ordre, en particulier les modalités de partage d’information et d’optimisation globale ? D’autant plus que les technologies digitales et ‘analytics / smart data’ apportent des solutions concrètes et abordables.
  • Si la résilience des opérations et de la Supply Chain en particulier devient un des objectifs premiers, au même titre que l’efficience, que faut-il changer au modèle opérationnel de la Supply Chain, en termes de processus, d’outils (en particulier systèmes d’information), d’organisation & pilotage, de compétences & mentalités ?

 

CYLAD Consulting accompagne ses clients industriels sur ces problématiques, pour faire face à la crise ou préparer l’avenir, que ce soit au travers de son équipe spécialisée en Supply Chain & Achats ou son équipe ‘Smart Data’.
Nous sommes dans tous les cas heureux de croiser les points de vue et de proposer nos services pour l’exploration de ces nouvelles perspectives.

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